Actes passés pour le compte d’une société en formation – renversement de jurisprudence
Selon la pratique française, le terme “société en formation” désigne les sociétés qui, bien qu’ayant acquis une certaine consistance juridique, n’ont pas encore été immatriculées. Par conséquent, ils n’ont pas de personnalité juridique, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être des sujets de droit (titulaires de droits et d’obligations).
Dans cette affaire, un bail commercial a été conclu au profit d’une société en formation. Son inscription au registre du commerce et des sociétés n’avait pas encore été effectuée.
En principe et selon la jurisprudence antérieure, les sociétés en formation n’ont pas la capacité de conclure des actes puisqu’elles n’ont pas (encore) la personnalité juridique. Pour que les actes de la société en formation continuent à produire leurs effets après l’immatriculation, les fondateurs devaient respecter un formalisme documentaire strict : par exemple, ils devaient mentionner dans des documents signés qu’ils agissaient “au nom” ou “pour le compte” de la société en formation.
Mais en l’espèce, les fondateurs de la société en formation n’avaient pas respecté ce formalisme strict : l’un des cofondateurs ayant été exclu de la société et le bailleur ayant agi en nullité du bail.
La première Cour puis la Cour d’appel avaient ainsi admis la nullité du bail comme sanction du non-respect de ce formalisme strict.
La société a alors introduit un recours devant la Cour de cassation, arguant que l’absence d’exigences formelles ne constituait pas une cause de nullité du bail.
La Cour de cassation a annulé la décision de la Cour d’appel, renversant ainsi la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation considère désormais qu’il n’est plus nécessaire de limiter l’analyse juridique à des exigences documentaires formelles pour apprécier la validité du contrat, mais plutôt d’interpréter la commune intention des parties (en d’autres termes, que l’acte ait été ou non conclu au nom ou pour le compte de la société en formation).
Ainsi, la Cour de cassation n’exige plus la mention “au nom” ou “pour le compte” dans un premier acte signé avant l’immatriculation de la société, pour que l’acte reste valable une fois la société constituée. Elle privilégie donc la recherche de l’intention des parties plutôt que de se limiter à la présence de certaines mentions dans les documents administratifs pour apprécier la validité du contrat. Cela signifie donc que les tribunaux disposent désormais d’une marge d’appréciation pour évaluer la validité des contrats conclus au nom des sociétés avant leur immatriculation, même en l’absence de formalisme.
A. PEDROT et G. APOSTOL
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